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Kaze no denwa: confier au vent son chagrin

12 Septembre 2018, 06:27am

Publié par Baiya

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A Tahara, sur la côte pacifique non loin de Nagoya, il y a depuis cet été une cabine téléphonique peinte en rouge,  sous un toit qui la protège des intempéries. De la mer, en contrebas, souffle la brise qui lui a donné son nom:


潮風の電話  'shio-kaze-no-denwa'

Photo parue dans le journal Chûnichi Shinbun du 11 septembre (édition du soir)

Photo parue dans le journal Chûnichi Shinbun du 11 septembre (édition du soir)

Un combiné téléphonique noir: mais celui-ci ne vous permettra pas d'appeler vos amis ou votre employeur, ni de demander le moindre renseignement.

Non: vous pourrez communiquer avec des êtres précieux mais disparus, comme la jeune fille de 18 ans qui s'est donné la mort et en souvenir de laquelle Monsieur et Madame Kutsuna ont conçu ce projet.

Ce couple a fondé un établissement pour les jeunes qui, pour des raisons variées, ne peuvent pas suivre d'enseignement scolaire classique, ce que l'on appelle au Japon une 'free-school', ゆずりは学園 (Yuzuriha-Gakuen).

En 2001, Madame Kutsuna a décidé de quitter l'éducation nationale. Elle ne pouvait plus supporter les contraintes d'uniformisation à tout prix qui forment la base du système éducatif japonais et qui voudraient nier la diversité. Avec son mari, peintre, ils ont décidé en mai de cette année-là de proposer, avec leur institution, une écoute et des solutions aux différences: enfants en décrochage ou phobie scolaires, jeunes touchés par l'autisme,  qui vivent cloitrés (hikikomori) ou en retrait de la société (NEET), leur public est multiple et de tous âges.

Kaze no denwa: confier au vent son chagrin

En 2004, une jeune fille qui depuis l'école primaire éprouvait des difficultés à suivre une scolarité classique et qui, alors collégienne, était assaillie de pensées suicidaires, a croisé leur chemin. Malgré tous leurs efforts, en janvier 2009, elle a mis fin à ses jours chez elle en laissant une lettre dans laquelle elle écrivait: 'si je me rate cette fois-ci, c'est parceque je vais vivre', comme un espoir lancé et frappé en plein vol. 

Ces mots, et le suicide qu'ils accompagnaient, frappèrent si fort le couple Kutsuna qu'ils songèrent à arrêter toutes leurs activités, tant ils se sentaient responsables de la décision de leur élève. Ses parents réussirent cependant à les convaincre de continuer.
En cette 10ème année depuis la disparition de leur élève, monsieur et madame Kutsuna ont décidé en juin de cette année de faire ériger le 'Shio-kaze-no-Denwa' sur une partie du terrain de leur établissement.
Plus de 3000 jeunes fréquentent leur free-school. Certains y arrivent après avoir fugué, en pleine nuit et trempés par la pluie. Pour les Kutsuna, le téléphone et les fax sont absolument vitaux pour rester en contact avec les parents, les rassurer si possible, les aider et les soutenir.
Mais à l'origine, l'idée de la cabine téléphonique au combiné livré au vent, a vu le jour  dans la préfecture de Iwate, durement frappée par le séisme de 2011.

 

Photo parue dans le journal Asahi du 5 mai 2011

Photo parue dans le journal Asahi du 5 mai 2011

Le premier Kaze-no-Denwa a été imaginé par Monsieur SASAKI Itaru. Dans son jardin en haut d'une petite colline surplombant la mer il avait installé cette cabine blanche pour pouvoir converser virtuellement avec son cousin, disparu  quelque temps avant le séisme. Le vent, le murmure des vagues et les chants des oiseaux lui semblaient propices au vagabondage des pensées et des souvenirs.
De cette colline, Monsieur Sasaki a pu observer directement le tsunami qui emporta tant de personnes sur son passage et après la catastrophe il a installé un banc à côté de sa cabine téléphonique pour que les gens de passage qui pleuraient des disparus puissent trouver une petite consolation en tenant le combiné dans leurs mains et en laissant quelques mots sur un cahier à disposition. Un 'jardin du souvenir' était né, dont Monsieur et Madame Sasaki s'occupe maintenant avec amour et persévérance:  Bell Gardia Kujira-Yama.

Kaze no denwa: confier au vent son chagrin

La cabine téléphonique a été arrachée par des vents violents en 2014, remise sur pieds en 2015 puis a subi une rénovation complète cette année! beaucoup d'aventures pour celle qui est devenue emblématique de la région.

D'ailleurs l'histoire du 'Kaze-no-Denwa' est illustrée par la célèbre IMOTO Yôko dans un de ses livres pour enfants:

Kaze no denwa: confier au vent son chagrin

Cette illustratrice dont le travail est connu de tous au Japon et dans de nombreux pays rédige beaucoup d'ouvrages qui permettent d'apprendre aux enfants des valeurs importantes comme la compassion, l'amitié, l'importance de dire 'merci' ou 'pardon' etc....

Kaze no denwa: confier au vent son chagrin
Kaze no denwa: confier au vent son chagrin

IMOTO Yôko illustre aussi bien sûr des contes et légendes traditionnels, japonais ou non,  comme ci-dessus 'Omusubi-kororin' et 'les trois petits cochons'. 

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Pour lire l'article du Chûnichi Shinbun qui parle des Kutsuna, c'est ici.

A propos de la construction du premier 'Kaze-no-Denwa' c'est ici.

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M
J'ai effectivement d'abord pensé à celui de Iwate.<br /> Généreuse initiative que celle du couple qui a créé l'école spéciale. Heureusement qu'il y a aussi des gens comme ça.
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B
A vrai dire je ne connaissais même pas celui de Iwate. J'en ai appris des choses avec cet article !
D
Merci pour cet article, c'est une magnifique démarche !
Répondre
B
Merci chère Dvorah! le sujet m'a aussi beaucoup ému quand je l'ai lu dans le journal.