Mizuhiki: papier washi et noeuds harmonieux pour un art traditionnel qui se modernise
Pour consulter les billets du blog précédent, cliquer sur le bouton ci-dessus
Vous connaissez probablement le 'mizuhiki' (水引), au moins de vue.
En effet, c'est la technique qui permet de décorer une boîte, une enveloppe etc... avec un noeud plus ou moins complexe et différent selon la destination qu'on va en faire: cadeau pour une occasion heureuse, mariage, naissance, réussite scolaire, mais aussi don d'argent pour les funérailles, les cérémonies religieuses liées à un décès, une hospitalisation ...
Récemment, on a vu un regain d'intérêt dans cet art, en particulier grâce à l'intégration du mizuhuki dans d'autres embellissements de la vie de tous les jours: arts de la table, décoration intérieure et même accessoires et bijoux, car le mizuhiki a gagné de l'ampleur avec la 3ème dimension!
Pour comprendre la dimension contemporaine qu'a pris l'art du mizuhiki, et avant de lire la suite de ce billet, allez absolument jeter un coup d'oeil au site de cette galerie de Kanazawa ( Jiyûkajin: 自遊花人 ) et je suis sûre que l'enchantement qui m'habite quand je pense au mizuhiki ne vous quittera pas!
Je crois que ce qui me fascine le plus c'est l'humble origine de la fourniture de base: comme l'origami, un autre art traditionnel japonais, et surtout le papier 'noshi' qui recouvre les boîtes de cadeaux ou les enveloppes autour desquelles le noeud de mizuhiki est noué, à l'origine du mizuhiki se trouve..... le papier, en l'occurrence du papier 'washi' connu pour sa résistance, que l'on a roulé en fines cordelettes et enduit d'une sorte de colle avant de le teindre dans toute une palette de couleurs, y compris dorée et argentée, unies ou bicolores.
Il existe 4 régions au Japon dans lesquelles l'art du mizuhiki est particulièrement florissant : la région de Kanazawa, préfecture de Ishikawa; celle de Iida, préfecture de Nagano; Kyôto et également la ville de Shikokuchûô dans la préfecture de Ehime à Shikoku.
Chacune a donné son nom à une école particulière de mizuhiki. En ce qui concerne Kanazawa,on l'appelle KAGA mizuhiki ( 加賀水引 ), à Iida, IIDA mizuhiki ( 飯田水引 ); à Shikokuchûô c'est IYO mizuhiki ( 伊予水引) et à Kyôto, KYÔ mizuhiki (京水引) .
Kanazawa et Iida sont manifestement les 2 centres les plus importants. En terme de production de fourniture pour mizuhiki, IIDA est indiscutablement en tête, assurant 70% de la production japonaise!!!! C'est dans le tout petit musée de cette ville, dédié au mizuhiki que je suis passée le 22 mars mais avant de vous en montrer quelques clichés, un mot sur l'école KAGA du mizuhiki, telle qu'elle est admirablement représentée par les oeuvres de la galerie Jiyûkajin et d'autres artisans comme justement la maison TSUDA.
TSUDA Sôkichi, (津田左右吉), né en l'an 2 de MEIJI dans une famille de courtiers en riz, était un jeune homme doué à l'école et féru de toutes sortes d'arts comme la cérémonie du thé, la poésie, le chant, la calligraphie etc... Il a été adopté par la famille TSUDA qui n'avait pas d'enfants, afin de profiter du droit d'être exempté de la conscription, un droit attribué en temps de guerre aux familles qui n'avait qu'un descendant mâle (voir le site de la maison d'artisans de mizuhiki, TSUDA KAGA MIZUHIKI).
Comme toute discipline artistique, le mizuhiki évolue autour d'un certain nombre de techniques permettant de nouer les cordelettes.
Chaque noeud a un nom différent. On voit ci-dessous le tableau réalisé par TSUDA Sôkichi pour noter ses créations:
On peut citer ces 5 formes de noeuds comme base de la technique, mais il y en a bien d'autres:
1-あわび結び(あわじ結び): awabi-musubi (awaji-musubi)
2-結び切り: musubi-kiri
3-より返し(あわじ返し): yori-kaeshi (awaji-kaeshi)
4-引き結び(輪結び): hiki-musubi (wa-musubi)
5-リボン結び(蝶結び・花結び): ribon-musubi (chô-musubi; hana-musubi)
Comme le rappellent les représentations ci-dessus, quand on pense au mizuhiki, ce sont souvent ces liens bicolores rouges et blancs qui viennent aussitôt à l'esprit.
C'est en fait dans un quiproquo concernant la signification de liens rouges et blancs que serait né l'art du mizuhiki! en effet, à l'époque de l'envoi de missions japonaises dans la Chine des Sui à partir de 607, le monarque japonais reçut en cadeau de retour de la part de l'empereur chinois des présents entourés de cordelettes de chanvre rouges et blanches. Les Japonais pensèrent que ces coloris avaient une signification particulière de respect vis à vis de leur empereur alors qu'en fait le choix de teindre les liens de cette manière était seulement pour les Chinois un moyen de distinguer les objets qu'ils envoyaient à l'étranger.
Le terme 'mizuhiki' apparaît à l'époque Muromachi, ainsi que l'utlisation du papier washi à la place du chanvre.
Ces cordelettes de mizuhiki furent aussi utilisées pour attacher les cheveux longs dans le style bien connu du 'chonmage' mais cet usage disparut quand, avec l'avénement de l'ère Meiji, le nouveau gouvernement préconisa que les hommes se fassent couper les cheveux par le décret 散髪脱刀令 ( san-patsu-dattô-rei , 23 septembre 1871) .
De nos jours, les lutteurs de sumo nouent encore leurs cheveux avec une telle cordelette, ainsi que les acteurs de kabuki ou ceux qui apparaissent dans des films et pièces historiques. Sur ces 2 styles de coiffures pour le kabuki (rôles de samouraï et jeune homme de la ville) est indiqué l'emplacement du lien appelé 'moto-yui' (元結) et pour lequel on utilise une cordelette de mizuhiki:
Mais allons donc maintenant à Iida pour en apprendre plus sur la fabrication des mizuhiki
Une série de petits documentaires a présenté des arts traditionnels de la préfecture de Nagano sur la chaîne de télévision TV Tôkyô . La première partie de la vidéo ci-dessous montre comment sont enduites les cordelettes de washi pour les renforcer puis comment on réalise les mizuhiki emblématiques bicolores rouges et blancs:
Si vous avez un peu de patience, voici un documentaire plus long réalisé également à Iida et qui détaille tout le processus: très intéressant si on veut avoir le vocabulaire en japonais des différentes étapes !
Je suis donc allée visiter le petit musée du mizuhiki à Iida il y a 2 jours. Il n'y avait absolument personne et un temps magnifique illuminait les montagnes environnantes.
Le personnage dont il faut connaître le nom quand on parle de mizuhiki et de Iida est SEKIJIMA Noboru (関島登). Né en 1923 il a dédié sa vie au mizuhiki et fait une multitude de disciples comme le montre le tableau exposé dans l'entrée du musée. Il a reçu en 2001 la distinction nationale de 'gendai-no-meikô' ( 現代の名工 ) qui récompense chaque année 150 personnes pour l'excellence dans un secteur technique particulier.
Pour lui il y avait plusieurs dimensions dans l'art du mizuhiki comme il l'a souvent exprimé, une fonction de création de liens aussi bien artistiques qu'humains et l'expression d'une certaine qualité de l'âme du Japon.
C'est aussi le message que veut faire passer le 'Iida Mizuhiki Project ' qui s'est lancé dans la promotion de cet artisanat dans le monde. Ils ont même tenu un stand à la Japan Expo de 2017!
Voici une petite visite virtuelle du musée. On peut y faire réaliser un tableau représentant l'emblème de sa famille ou tout autre motif, en mizuhiki doré ou argenté par exemple.
On trouve aussi une sélection d'autres produits qui peuvent être réalisés sur commande.
Mais ce qu'il faut voir, bien sûr, ce sont les oeuvres extraordinaires du maître de l'art!!!!
A noter: pour ces réalisations de grande taille, on utilise du fil de mizuhiki et non les cordelettes courtes.
Le musée est flanqué d'un restaurant et d'une boutique de souvenirs et fournitures pour mizuhiki. J'ai trouvé malheureusement que la qualité des objets en vente manquait un peu d'attrait. Il y a d'autres lieux à visiter autour du mizuhiki dans la ville d'IIda mais je n'avais pas le temps de m'y attarder cette fois-ci. Ma prochaine destination sera certainement les boutiques et galeries de Kanazawa!!!
Commenter cet article