A Nagano, le festival des 'hana-momo'
'Hana-momo' (花桃), un arbre probablement peu connu en Europe, ce 'prunus persica' est originaire de Chine et a été modifié pour développer une extraordinaire floraison blanche, rose et rouge, aux dépends de fruits qui existent mais sont très petits et manquent de goût même si on parvient quelquefois à les mener à maturité.
Les Japonais connaissent et aiment le pêcher depuis extrêmement longtemps puisqu'on pense qu'il a été introduit dans l'archipel durant la période Yayoi et que sa présence est documentée dans la littérature. C'est avec des fleurs de pêchers que l'on décore les poupées Hina pour la fête des petites filles, le 3 mars.
En ce qui concerne les 'hana-momo', la floraison a souvent lieu avant celle des sakura, dans la ligne des prunus mume (abricotiers japonais). Mais à Nagano, c'est le contraire, et les Hana-momo y ont un festival dans la région de Sono Hara (園原)près du petit village de Achi et des onsen de Hirugami (昼神温泉)et Tsukikawa (月川温泉郷), juste à la frontière avec Gifu et à une centaine de kms en voiture de chez moi.
C'est un endroit qui est maintenant connu dans tout le Japon. J'ai pu m'en rendre compte il y a une semaine quand je suis allée admirer les fleurs. Une file interrompue de voiture roulant au pas dès la sortie de l'autoroute, un service de guide patient mais efficace vers les parkings placés le long de la route 256, des foules ravies et compactes qui profitaient du temps exceptionnel que nous avions. Ce que j'ai vraiment apprécié, c'est la décision des villageois de réglementer strictement les espaces dédiés aux inévitables vendeurs de victuailles et autres achats. On pouvait pleinement profiter des arbres le long de la rivière sans vacarme, odeurs et autres nuisances inutiles.
Mais comment est né ce festival?
En 1922, un Monsieur Fukuzawa, directeur de la centrale électrique de Kiso qui était chargée de développer la rivière et sa région, avait un gendre prénommé 'Momosuke' qui avait pris le nom de famille de son épouse. En voyage à Munich, ce dernier fut émerveillé par la floraison de 'Hana-momo' de 3 couleurs différentes dans un parc de la ville. Le fait que le nom de ces arbres lui rappelle son propre prénom n'était pas sans lui déplaire également et il décida d'acheter 3 plants qu'il ramena au Japon et fit planter sur le terrain de la centrale électrique de Suhara, dans le village de Oonuma.
En 1948, un employé de longue date de cette centrale, originaire de Tsumago, se demanda s'il ne serait pas possible de multiplier ces arbres à la floraison si extraordinaire. Il s'attela à cette tâche et petit à petit commença à planter des 'Hana-momo' le long de la route 256.
En 1974, une jeune femme originaire de Tsumago, qui partait se marier avec un jeune homme du village de Seinaiji (dans la région du lieu actuel du festival) prit dans sa dot un plant de 'Hana-momo'. On le fit se multiplier dans le village dont les villageois trouvaient cet arbre d'autant plus charmant que sa floraison, en plus d'être de toute beauté, dure plus longtemps que celle des 'sakura'.
C'est en 1991 que les choses s'accélèrent! le ryokan Gessen s'ouvre à Sonohara dans le village d'Achi (Tsukikawa-onsen 月川温泉郷), pour encourager le développement économique de la région. Le gérant trouve que l' environnement est triste, que le village manque de vie: pour égayer le travail des employées de l'auberge qui viennent chaque jour des villages de montagne des environs, il décide de planter des 'Hana-momo' en grand nombre. Entre 1991 et 1995 on plante 10 000 arbres autour du ryokan et le long de la route qui y mène!
En 2002, on fonde un comité chargé de développer Tsukikawa-onsen comme 'Berceau du Hana-momo' (花桃の里). En 3 ans, on plante 25 000 nouveaux arbres.
Et le grand jour arrive: en 2005, c'est la première édition du festival des 'Hana-momo' .
Depuis, chaque année, on met en place de nouveaux plants et la route 256 est connue comme 'Route des Hana-momo. En 2009 l'initiative d'implantation et de gestion des 'Hana-momo' a reçu le prix du Ministère des affaires intérieures et de la communication pour sa réussite dans le développement de l'économie locale.
Le festival qui attire chaque année 200 000 visiteurs est le plus important de son genre au Japon.
On aurait envie de prendre une à une en photo toutes ces corolles bouillonnantes de pétales adorables.
Mais il était temps de se restaurer: il faisait très chaud et les desserts rafraichis étaient les bienvenus, ainsi que d'autres choses à manger: brochettes de viande de boeuf ou truites grillées sur le feu de bois, yakisoba, et autres soba à la farine de sarrasin, une spécialité de la région accompagnées de tempura de légumes de montagne....
Près du terrain de camping, installé sur une berge de la rivière, il y a un espace pour s'initier à la pêche à la truite; pour faire cela dans la rivière, il faut un permis. On peut faire griller sur les barbecues préparés différentes viandes ou du poisson. On peut bien sûr se rafraichir et jouer dans la rivière, aux endroits qui proposent de petites plages.
Petite touche charmante, les signes de reconnaissance au-dessus des toilettes : il y avait aussi quelques magnifiques cerisiers pleureurs et de nombreux cerisiers de montagne encore en fleurs.
Comme la fête des enfants est seulement à quelques jours de là, des 'Koi-nobori' flottent ici et là dans les champs et au-dessus de la rivière ce qui agrémente encore le paysage!
Le festival auquel je suis allée dimanche dernier m'a convaincue que notre emblématique 'sakura' japonais, dont l'avancée de la floraison est un sujet majeur de conversation au printemps, avait avec ce prunus un sérieux concurrent!!!!!!
J'ai retrouvé l'émerveillement que j'avais connu lors de la contemplation des abricotiers japonais (ume) en fleurs à Inabe, l'année dernière, ce qui n'est pas étonnant puisqu'il s'agit d'une variété de prunus.
Pour ceux qui sont intéressés, il y a différentes variétés de 'hana-momo': par exemple....
Yaguchi-momo (矢口): rose , fleurs doubles (yae-zaki)
Kanpaku-momo (関白): blanc, floraison précoce
Kanhitô-momo ( 寒緋桃 ): rouge
Kiku-momo (菊桃): rose foncé
Genpei-momo (源平桃): fleurs blanches et rouges, existe en variété à port pleureur
Terute-momo (照手桃): existe en blanc, rose et rouge
Et pour terminer la journée, une petite escalade dans le domaine de Heavens Sonohara, en remontée mécanique; 2 trajets successifs pour culminer à un peu plus de 1600m, profiter d'une magnifique vue sur les Alpes du Sud et de leurs sommets enneigés.
Au retour, nous avons descendu à pied la partie haute du trajet car le chemin est parfaitement aménagé; d'ailleurs plutôt que de prendre les banquettes pour monter, c'est certainement plus agréable d'y aller à pied (et moins cher....).
Avec une petite glace à la pomme pour faire le plein d'énergie avant le retour sur Nagoya!
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