Les manga-ka de Nagoya
Ce matin dans ma rue passait le 'bun-dan', le groupe d'enfants du voisinage qui est constituté pour se rendre à l'école ensemble. D'un petit chapeau jaune de première année s'échappaient des sanglots pitoyables qui retardaient la troupe, malgré les exhortations d'une mère, visiblement agacée par le comportement de son rejeton.
Refusait-il d'aller à l'école? avait-il eu une contrariété quelconque? les CP ont commencé leur 'carrière' scolaire la semaine dernière et après la pause du week-end, nul doute que ce n'était pas facile de se résoudre à aller s'enfermer entre 4 murs. Espérons que cela ne se changera pas en phobie scolaire.
Ce petit épisode m'a donné envie de vous présenter un jeune manga-ka de Nagoya, TANAZONO Shô-ichi, dont on parlait dans le journal samedi dernier.
Son premier opus est sorti en février de cette année:
学校に行けない僕と9人の先生
qu'on peut traduire ainsi:
Moi, qui ne peut pas aller à l'école et les 9 'sensei';
je garde volontairement le mot 'sensei' qu'on peut traduire par 'professeur' mais qui au Japon est un titre attribué à toute personne dont on apprend quelque chose, de l'enseignant au politicien en passant par les artistes de renom: un maître.
TANAZONO a aujourd'hui 32 ans et pendant 9 ans, c'est à dire toute la période de l'instruction obligatoire, il n'est pas allé à l'école, souffrant de phobie scolaire dont la raison a surgi au début de sa première année de primaire quand son professeur lui a donné une gifle! dans l'incompréhension totale de l'enfant, bien sûr.
Les cas de phobie scolaire ne sont pas rares au Japon avec, en 2013, un enfant sur 276 dans le primaire et un sur 37 au niveau du collège qui en souffre.
Tant qu'on est dans la période d'enseignement obligatoire, les établissements scolaires, école élémentaire puis collège, doivent rester en contact avec les parents pour s'assurer que l'enfant reçoive une forme de scolarité ainsi que pour pouvoir rendre des rapports concernant le développement de la phobie, les soins apportés etc...
TANAZONO, après cette gifle, est envahi de terreur dès le matin au réveil; des visions l'habitent d'un 'homme tout noir' qui surgit de l'ombre et s'avance droit sur lui: incapable de faire un pas de plus devant le portail de l'école, se cachant dans la salle de classe réservée à l'apprentissage de la cuisine et qui se trouvait à côté de sa propre salle de classe, détestant son état quand il le compare à celui de ses camarades qui vont à l'école.
Les 9 sensei et moi, c'est l'histoire d'un purgatoire infligé à un enfant et du parcours de cet enfant vers la découverte du dessin de manga.
Car, reclus, Shô-ichi se passionne pour Dragon Ball, oeuvre phénoménale d'un autre natif de la banlieue de Nagoya, TORIYAMA Akira.
Shô-ichi dessine et re-dessine les personnages de TORIYAMA.
Le tournant important de sa vie va avoir lieu quand Shô-ichi rentre en première année de collège; sa mère, un jour, lui fait rencontrer TORIYAMA-sensei!
Le jeune garçon demande au maître:
'est-ce que moi, qui ne vais pas à l'école, je pourrais devenir un manga-ka?'
Et le grand dessinateur lui répond:
'oui, tu pourrais le devenir, mais ce serait mieux si tu allais à l'école: tu pourrais ainsi dessiner ce qui t'arrives là-bas et beaucoup d'autres choses; ça te serait vraiment utile.'
Puis il examine le travail du garçon et lui fait ce compliment:
'tu as créé ton monde et ça, c'est vraiment important!'
TANAZONO Shôichi, dans ses interviews, raconte comment il s'est senti tout d'un coup très léger. S'il n'a pas réintégré l'école pour cela, après avoir reçu son diplôme de sortie du collège, il s'est inscrit dans une école spécialisée, a suivi des cours d'arts plastiques à l'université et, à l'âge de 19 ans, il a obtenu un prix de jeune talent délivré par un magazine de manga.
Son premier album a été publié en feuilleton sur l'internet (Web Comic Action) avant de paraître dans sa forme actuelle.
Les 9 maîtres qui ont changé sa vie, ce sont les enseignants des établissements scolaires, les professeurs particuliers et des juku qui l'ont soutenu, sa famille.
Le 9ème était TORIYAMA Akira.
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